Le samedi 18 décembre 2021, l’Ancien Gouverneur du Kongo Central, Monsieur Atou Matubuana Nkuluki a été interpellé par les Agents du Parquet près la Cour de cassation sur base d’un mandat d’amener émis il y a quatre mois par l’autorité judiciaire de cet office. La genèse de l’affaire remonte aux révélations gravissimes faites par l’Inspection Générale des Finances au sujet des malversations financières, qui lui avait permises de traduire Atou Matubuana Nkuluki devant la justice pour répondre de ses actes de détournement des deniers publics de l’ordre de 3.058.313 USD.
Selon Maitre Edmond Mbokolo Elima, avocat au Barreau de l’Equateur/Mbandaka
Assistant de deuxième mandat à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka
Chercheur en droit à l’Université de Kinshasa dans ses analyses sur le sujet qui fait débat sur la toile précise qu’en exécution dudit mandat d’amener, les Agents de police judiciaire du Parquet Général près la Cour de cassation se sont saisis de l’incriminé en lui infligeant un traitement cruel, inhumain, dégradant et humiliant en violation non seulement des textes juridiques nationaux mais aussi internationaux relatifs à la protection des droits humains.
Ce comportement des fonctionnaires publics nous laisse perplexe au regard du caractère sacré de la vie humaine prôné par le constituant de 2006, ce qui justifie la présente réflexion qui se base essentiellement sur la qualification du traitement subi qui imprime un état de torture et y épingler à cet effet, des sanctions y relatives.
Selon lui, il est impérieux de signaler en passant que, contrairement à ce qui se dise à la cité, l’ancien gouverneur du Kongo-Central, Atou Matubuana n’a pas été arrêté, comme le souligne Me Marval BASILA du Barreau de l’Equateur étant donné que, le Procureur Général près la Cour de cassation n’avait émis aucun acte de détention (mandat d’arrêt provisoire), pour la simple raison qu’en droit de la procédure pénale, le mandat d’amener n’est pas une pièce de détention, mais simplement un ordre donné aux agents de l’ordre d’appréhender quelqu’un et l’acheminer illico devant le magistrat qui l’a émis.
En profusion, nous affirmons sans ambages qu’en droit, l’arrestation intervient que lorsque le magistrat instructeur (du parquet), après avoir interrogé une personne, constate qu’il y a des indices sérieux de culpabilité, et décide de la mettre sous mandat d’arrêt provisoire (MAP) pour une durée de cinq jours. Ce qui ne répond pas à l’actualité judiciaire de l’Ancien Gouverneur Atou Matubuana, car le concerné n’a pas été mis sous mandat d’arrêt provisoire.
Que dire alors du traitement subi par ce compatriote ?
Pour ce juriste, la qualification du traitement subi par Atou Matubuana
Sans erreur ci et là, il faut tout droit préciser que, le traitement subi par l’Ancien Gouverneur Atou Matubuana est qualificatif de la torture, férocement châtié en droit pénal de la République Démocratique du Congo.
A. La torture, quid ?
Pour Me Edmond Mbokolo Elima, l’article 222 point 6 du décret du 30 janvier 1940 complété et modifié par la loi n°15/022 du 31 décembre 2015, la torture est entendue comme le fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle.
Il s’agit là, des atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, les traitements cruels, les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants, cruels et dégradants.
En clair, selon l’article 48 bis inséré par la n°11/008 du 09 juillet 2011 portant criminalisation de la torture à la section 1ère du titre Ièr, Livre II du Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal, il s’agit «le fait pour un fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou toute personne agissant sur ordre ou son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite d’infliger à une personne une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, aux fins d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination » (lire aussi l’article 1èr point 1 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant du 10 décembre 1984).
Il précise que pour l’Amnesty International, on parle de torture lorsqu’une personne agissant dans l’exercice de ses fonctions officielles inflige des souffrances psychologiques ou physiques dans un but précis.
Il poursuit en expliquant que la notion de torture s’explique sans nul doute, selon l’Association pour la prévention de la torture de la Suisse, en combinant les trois composantes cumulatives, à savoir :
- le fait d’infliger intentionnellement des souffrances aiguës, physiques ou mentales ;
- par un agent de la fonction publique, qui est directement ou indirectement impliqué ;
- dans un but précis.
Que disent les textes de lois sur la torture ?
Selon ce juriste de formation, Sur le plan international, la République Démocratique du Congo a adhéré depuis le 18 mars 1996 à la Convention des Nations-Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains et dégradants.
Sur le plan interne, l’article 16 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 en est le soubassement. Il prévoit que « la personne humaine est sacrée et l’Etat a l’obligation de la respecter et la protéger ». Cette disposition constitutionnelle interdit formellement la torture et tout traitement cruel, inhumain et dégradant.
Par ailleurs, poursuit-il, l’article 61 point 2 de la même Constitution ne tolère aucune exception à ce principe relativement à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumaines ou dégradants. Aussi, la torture avec toutes ses composantes sont au regard du droit humanitaire international, l’un des éléments constitutifs des crimes internationaux, en l’occurrence du crime contre l’humanité conformément à l’article 222 point 6 et crime de guerre suivant l’article 223 point 1 b et point 3 a du décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et complété par la loi nº 15/022 du 31 décembre 2015.
Dans le contexte de son analyse, elle est réprimée en droit pénal congolais par la loi n°11/008 du 09 juillet 2011 portant criminalisation de la torture, à la section 1ère du titre Ièr, Livre II du Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal, spécialement en ses articles 48 bis, 48 ter et 48 quater (code pénal).
Les sanctions pénales prévues contre la torture
Il énumère ce qui suit :
A. Auteurs de la torture ou traitement cruels, inhumains et dégradants
La loi cite comme auteurs tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou toute personne agissant sur son ordre ou son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite.
Dans le cas sous revue, les agents du Parquet près la Cour de cassation sont bel et bien fonctionnaires ayant agi nettement en exécution du mandat d’amener émis par le Procureur Général dudit Parquet.
B. Les sanctions pénales
L’article 48 bis du code pénal prévoit une peine de cinq à dix ans de servitude pénale principale et d’une amende de cinquante mille à cents mille francs congolais contre tout personne reconnue coupable des actes intentionnels infligés à une personne en lui faisant subir une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales.
Dans cet même ordre d’idées, l’article 48 ter alinéa 1èr puni le coupable de cette perfidie d’une peine de dix à vingt ans de servitude pénale principale et d’une amende de cent mille à deux cents mille francs congolais lorsque ce traitement prévu à l’article 48 bis sus-analysé auront causé à la victime un traumatisme grave, une maladie, une incapacité permanente de travail, une défience physique ou psychologique, ou lorsque la victime est une femme enceinte, un mineur d’âge ou une personne de troisième âge ou vivant avec handicap.
En outre selon ce juriste, une peine de servitude pénale à perpétuité est infligée au coupable lorsque les mêmes faits auront causé la mort de la victime conformément à l’article 48 ter alinéa 2ème.
Les poursuites liées à l’infraction de torture peuvent-elles être prescrites ?
En réponse, il souligne que les actes de traitements cruels, inhumains et dégradants sont infâmes et odieux car, ils touchent au caractère sacré de la vie humaine et entrave l’intégrité physique de la personne. C’est dans cette optique que, le législateur congolais du 09 juillet 2011 a voulu volontiers, déroger aux différentes prescriptions des infractions prévues à l’article 24 du code pénal (décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et complété à ce jour) qui examine la prescription d’une année pour les infractions dont le taux de la peine n’excède pas une année, de trois ans pour les infractions dont le taux de la peine est de moins de cinq ans et de dix pour les infractions dont le taux de la peine dépasse cinq ans, la peine de mort et peine à perpétuité.
Pour la torture plus spécialement, l’article 48 quater du code pénal prévoit que « l’action publique résultant de faits prévus par les articles 48 bis et 48 ter est imprescriptible ». Ceci voudrait signifier selon lui qu’il n’y aucun délai prévu par la loi auquel les poursuites contre les auteurs de la torture ne peuvent être engagées.
A titre exemplatif, lorsque la torture est commis aujourd’hui, le Ministère Public a le pouvoir même après 100 ans, sauf la mort de l’auteur (cause d’extinction de l’action publique), d’engager les poursuites pénales contre ce dernier.
Pour terminer, Me Edmond Mbokolo Elima indique que le traitement subi par l’Ancien Gouverneur du Kongo Centrale Atou Matubuana est qualificatif de l’infraction de torture. A cet effet, les agents (auteurs) qui l’ont humilié et soumis à un traitement cruel, inhumain et dégradant doivent être poursuivis et arrêtés afin qu’ils répondent de leurs actes conformément à la loi. Ceci pour la consolidation d’un Etat véritablement de droit tant vanté par le Président de la République, Magistrat Suprême.
Prince Musuamba/SIMCONGO.NET
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